Intervention d’urgence pour sauver quatre poussins de courlis cendré dans la Vallée de la Sarre

Le courlis cendré est un oiseau qui ne fréquente qu’un seul milieu : les rieds, ces vastes prairies humides que l’on trouve encore parcimonieusement en Alsace, notamment dans la Sarre. Il y construit son nid, une simple cuvette faite d’herbe et de quelques plumes, à même le sol. Relativement nombreux en Alsace dans les années soixante (plus de 250 couples), il en reste moins d’une dizaine en 2020, le plaçant au bord de l’extinction sur notre territoire. La raison de cette chute dramatique ? La disparition ou la transformation de son habitat, entre autres.

Au cours du printemps 2020, à l’occasion d’un inventaire visant à recenser les couples nicheurs dans la Vallée de la Sarre, des chargés d’études de la LPO Alsace ont localisé un nid contenant 3 œufs et un poussin déjà éclos. La naissance des autres oisillons était à prévoir pour les heures suivantes, tout comme la fauche des prairies du secteur, elle aussi imminente, une opération dramatique pour ces petits, incapables de s’enfuir. L’agriculteur gestionnaire de la parcelle concernée par le nid a donc été immédiatement contacté et a heureusement d’emblée donné son accord pour préserver la nichée lors de la coupe de l’herbe.

Une opération de repérage et de capture des poussins a été menée dès le lendemain matin, les 3 œufs ayant éclos dans la nuit. Une fois attrapés et placés dans une corbeille ouverte, les poussins ont été placés à l’extérieur de la zone de fauche, le temps du passage du tracteur.

Une telle opération n’avait encore jamais été entreprise avec cette espèce, le risque que la femelle n’abandonne sa progéniture étant particulièrement important. Fort heureusement, les petits ont été positionnés de manière à ce que leur mère puisse les voir et les entendre, ce qui lui a permis de « monter la garde » auprès d’eux durant toute la durée de la fauche. Une fois le danger écarté, les poussins ont été relâchés et ont de suite rejoint leur mère qui les appelait à elle un peu plus loin.

Ce genre d’action, qui demande beaucoup de moyens humains et de temps, ne peut être réalisée que de manière exceptionnelle et ponctuelle, mais permet d’agir concrètement au maintien d’une espèce aussi menacée. Elle repose bien sûr aussi sur la participation d’agriculteurs sensibles à la biodiversité.

Retarder les fauches des prairies pour laisser le temps à ces oiseaux de terminer leur nidification représenterait une solution idéale pour sauver cette espèce. Cela supposerait de compenser économiquement la perte de qualité du fourrage aux agriculteurs, voire de développer un label spécifique pour des modèles agricoles qui intègrent la protection des oiseaux menacés dans leurs pratiques.

La présence de courlis cendré dans les prairies de la Vallée de la Sarre rappelle que ces dernières sont classées en zone Natura 2000. Elles abritent d’autres oiseaux rares tels que le râle des genêts ou le bruant proyer ainsi que des papillons comme le cuivré des marais et des plantes rares.

La LPO travaille au quotidien avec le monde agricole et notamment avec tous ceux qui sont soucieux de limiter leur impact sur la biodiversité. Elle salue particulièrement l’implication de cet agriculteur dans la protection de cette nichée, qui s’était par ailleurs déjà mobilisé en faveur de l’espèce.

Merci à Emilie HARTWEG et Eric BRUNISSEN de la LPO Alsace pour ce témoignage.
La photo du Courlis Cendré appartient à Ken BILLINGTON qui en autorise sa diffusion sous licence CC BY-SA 3.0.